Ceci est ma traduction d’un article paru en anglais en 2003 sur
le site de Graham Hancock.
Merci à Sabine Schäublin pour sa relecture et ses corrections.
Lien vers l’article original :
Timothy Freke, licencié en philosophie, est un expert en spiritualité du
monde, et auteur de plus de vingt ouvrages. Peter Gandy a une maîtrise de
civilisation classique. Pour plus d’information sur ces auteurs, leurs
ouvrages, cours et séminaires, veuillez consulter le site :
Si l’idée d’une secte ayant
fabriqué l’histoire de Jésus peut nous sembler étrange, de nos jours, c’est
parce que nous ne voyons plus les mythes de la même façon que nos ancêtres.
Pour nous, les mythes sont des fariboles sans intérêt, alors que les anciens
les considéraient comme de profondes allégories renfermant des enseignements
mystiques codés.
Épiphane, par exemple,
nous décrit les chrétiens gnostiques comme usant d’ ‘‘interprétation allégorique’’
pour ‘‘recomposer’’ à leur guise les écrits juifs et la ‘‘mythologie épique grecque’’, qui sont
précisément les deux sources utilisées pour la création du mythe de Jésus1.
Les Mystères Internes
Dans notre dernier
livre, Jésus et la Déesse Égarée2,
nous explorons comment l’histoire de Jésus n’était qu’une partie d’un plus
grand corpus de mythologie chrétienne qui combinait des motifs mythologiques
juifs et païens. Les chrétiens originaux traitaient l’histoire de Jésus comme
une allégorie à utiliser pour présenter aux débutants la voie spirituelle. Pour
ceux désireux d’aller plus loin, plus profond que les ‘‘mystères externes’’, qui
étaient seulement ‘‘pour les masses’’, il y avait les enseignements secrets ou
‘‘mystères internes’’. Il s’agissait des ‘‘traditions secrètes de la vraie
Gnose’’, qui d’après le Père de l’Église Clément d’Alexandrie, étaient
transmises ‘‘à un petit nombre par une lignée de maîtres’’. Ceux initiés aux
mystères internes découvraient que le christianisme n’était pas seulement la
mort et la résurrection du Fils de Dieu. On leur racontait aussi un autre mythe,
dont peu de chrétiens actuels ont seulement ne serait-ce qu’entendu parler.
L’histoire de l’amour de Jésus. La Fille de la Déesse, perdue et rachetée.
Les chrétiens des
premiers temps vénéraient le divin non seulement comme Dieu le Père mais comme
Sophia, la Sage Déesse. Paul nous dit, dans sa première Épître aux Corinthiens,
que ‘‘parmi les initiés, nous parlons de Sophia’’, car c’est ‘‘le secret de
Sophia ’’ qui est ‘‘enseigné dans nos mystères ’’. Lorsque les initiés des
mystères internes du christianisme prenaient part à la Sainte Communion, c’est
la passion et les souffrances de Sophia qu’ils se remémoraient. Parmi les premiers
chrétiens, prêtres et prêtresses offraient aux initiés du vin comme symbole de ‘‘son
sang’’. La prière suivante était offerte : ‘‘Puisse Sophia emplir
l’intérieur de ton être et accroitre sa Gnose en toi ’’. C’est à elle qu’ils
adressaient leurs prières:
‘Viens, Ô, Secrète Mère ; viens, toi qui te
manifestes par tes œuvres et qui donnes la joie et le repos à ceux qui te sont
attachés. Viens et prend part à cette Eucharistie que nous accomplissons en ton
nom, et à cette agape pour laquelle nous nous sommes réunis à ton invitation.’
Dans les mystères
internes secrets des chrétiens des origines, l’histoire de Jésus était placée
dans son contexte légitime à la fin d’un cycle de mythes chrétiens, commençant
avec l’ineffable Mystère, manifesté en tant que Père et Mère primordiaux, et trouvant son apogée dans l’union mystique
de Jésus et Sophia. Il fut alors révélé que tous ces mythes étaient des
allégories d’initiation spirituelle – histoires symboliques contenant une
profonde philosophie, ayant le pouvoir de transformer un chrétien en un Christ.
Le mythe de Sophia
Il existe de
nombreuses versions du mythe chrétien de Sophia, mais en essence, l’histoire
est celle de sa chute de la maison de son Père dans le monde, où elle se perd,
de sa quête d’amour qui la conduit à tous les mauvais endroits, de ses nombreux
faux amants qui la maltraitent et de la
prostitution dans laquelle elle finit par sombrer. A la suite de son repentir
et de ses appels à l’aide, son Père envoie à son secours son frère/amant
Christ. Sophia représente l’âme de chaque initié, et le mythe une allégorie de
la descente de l’âme, de son incarnation dans un corps humain, où elle se perd
dans le monde, et de sa libération spirituelle, par la suite, au contact du
Christ intérieur, représentant la Conscience de Dieu, au cœur de tous les
êtres.
Les chrétiens
représentent souvent Sophia sous deux aspects. La Sophia la plus élevée est
symbolisée par une mère vierge et représente la pureté originelle de l’âme, à
partir de laquelle notre corps se matérialise de lui-même. La Sophia de la
déchéance est symbolisée par une prostituée qui est rachetée, et qui représente
l’âme descendue et incarnée, perdue dans le monde et son besoin d’illumination
spirituelle.
Le mythe chrétien du
Dieu-homme Jésus ne peut être convenablement appréhendé qu’en relation au mythe
de sa contrepartie, la Déesse chrétienne Sophia. Dans le mythe de Sophia, la
Déesse constitue la figure centrale, alors que son frère/amant n’est qu’un
personnage secondaire. Dans le mythe de Jésus, c’est l’inverse. Le Dieu-homme
est le personnage central. Pourtant, le mythe de la Déesse perdue constitue
bien un contexte d’importance sous-jacent
à l’histoire de Jésus, chose qui aurait été évidente pour les chrétiens initiés,
connaissant les deux allégories. Dans les Evangiles, les deux Maries
représentent les deux Sophias, celle de l’élévation et celle de la bassesse.
Elles portent toutes deux le même nom pour accentuer le fait qu’elles sont deux
aspects mythologiques d’un même personnage. Comme dans le mythe de Sophia, la
première Marie est une mère vierge, comme Sophia avec le Père, et la seconde,
une amante, une prostituée rachetée par
Jésus, comme la Sophia perdue dans le monde ici-bas.
Comme son
fils/frère/amant Jésus, la Déesse chrétienne est une figure syncrétique créée à
partir de deux sources, juive et païenne. Les chrétiens gnostiques eux-mêmes,
retracent l’origine du mythe de leur Sophia à des textes juifs, comme la Genèse,
Jérémie, Ézéchiel, les Proverbes et à divers mythes païens. Par exemple, et
principalement, l’histoire de la Déesse déchue et rachetée, souvent dépeinte
sous les deux aspects d’une amante vierge et d’une prostituée, qu’on peut
trouver dans les mythes païens d’Aphrodite, d’Hélène, d’Éros, de Psyché et,
celui encore plus connu de Déméter. Tous ces mythes, nous disent les auteurs
païens, sont des allégories de la descente de l’âme, son incarnation et
son rachat ultérieur.
Les personnages de
Déméter et Perséphone furent élaborés par les Grecs à partir de l’ancienne
mythologie égyptienne. Le philosophe païen Porphyre nous enseigne que la déesse
égyptienne Isis est l’équivalente des deux déesses Déméter et Perséphone. De la
même façon que le mythe égyptien de la mort et résurrection du Dieu-homme
Osiris est la plus ancienne source du mythe de Jésus, le mythe d’Isis constitue
la source la plus ancienne du mythe chrétien de Sophia, la Déesse perdue et
rachetée.
Sophia, dont le nom
signifie ‘‘Sagesse’’, était la Déesse des philosophes païens depuis des
siècles. De fait, le terme ‘‘philosophe’’, utilisé en premier par Pythagore,
signifie ‘‘qui aime Sophia’’. Bien qu’ils soient, de nos jours, souvent
dépeints comme d’ennuyeux universitaires, ces brillants intellectuels étaient
en réalité de mystiques dévots de la Déesse. Sophia était également une figure
mythique de premier plan pour les philosophes gnostiques juifs, tel Philon le
Pythagoréen (Philon d’Alexandrie).
La Déesse Juive
Bien que rejetée plus
tard par les juifs majoritaires, la tradition d’une déesse juive avait toujours
existé. A une certaine époque, les Israélites vénéraient la Déesse Ashérah, en
tant que consort du Dieu juif Jéhovah. Au 5ème siècle avant notre ère, on la
connaissait en tant que Anat Jahu. Dans des écrits composés entre les 4ème et
premier siècles avant notre ère, tels que les Proverbes, la Sagesse de Salomon
et la Sophia de Jésus fils de Sirach, elle devient la compagne de Dieu et
co-créatrice Sophia. La Sophia juive est l’amante et l’inspiratrice de la bonté
et de la sagesse. Elle est ‘‘une initiée aux Mystères de la Gnose de Dieu’’,
qui enseigne à ses suivants comment devenir ‘‘amis de Dieu’’ – le nom
omniprésent utilisé par païens, juifs et gnostiques chrétiens. La Sophia de
Salomon nous assure :
‘‘Sophia brille d’un éclat qui ne diminue jamais. Elle
est immédiatement discernée par ceux qui l’aiment et elle est trouvée par ceux
qui la cherchent. Elle est prompte à se faire connaitre de ceux qui désirent sa
Gnose.’’
La littérature juive
traitant de la Sophia parle d’un mythique ‘‘Homme de Bien’’ – personne en
particulier – qui est l’envoyé de la Déesse sur terre. Moïse fut dépeint comme
un tel envoyé. D’après le mythe de l’Exode, lorsqu’il transmet son autorité à
Joshua (Grec : Jésus), il reçoit également ‘‘l’esprit de Sophia’’. Pour
les gnostiques chrétiens, leur héro mythique Joshua/ Jésus
est pareillement l’envoyé de Sophia venu pour révéler sa Sagesse conduisant à
la Gnose. D’où le ‘‘secret’’ proclamé par Paul dans son Épître aux
Colossiens : ‘‘Christ dans lequel sont cachés les trésors de Sophia et de
la Gnose’’.
Dans la littérature
juive traitant de la Sophia, ‘‘l’homme de bien’’ est persécuté par son propre
peuple pour avoir prêché la sagesse de Sophia et condamné à une ‘‘mort infâmante’’.
Mais il est, par la suite, vengé, et confronte ses persécuteurs en les
jugeant dans les cieux, où il est un des ‘‘Fils de Dieu’’. Entre les mains des
gnostiques chrétiens, cet ‘‘Homme de
Bien’’ devient Jésus le ‘‘Fils de Dieu’’, qui vient, disent-ils, ‘‘afin que
Sophia soit proclamée’’. Assassiné par les siens, fourvoyés, mais vengé par sa
résurrection aux cieux, où il trône comme juge divin.
A notre avis, la
preuve est clairement faite que le christianisme était, à l’origine, la
synthèse d’une philosophie spirituelle et d’une mythologie allégorique juives
et païennes préexistantes, et qu’au centre de cette tradition, était le mythe
de la Déesse Sophia. L’éradication, par l’Église Romaine patriarcale, de la
Déesse chrétienne nous a rendu, nous tous, orphelins de mère. On a refusé aux
femmes un rapport de sympathie avec le Divin Féminin. On a refusé aux hommes
une histoire d’amour avec la face féminine de la Déité. La spiritualité a pris
part au combat qui sépare les sexes, quand elle devrait être le sanctuaire de
la communion éternelle. Pourtant, les premiers chrétiens pratiquaient la
‘‘spiritualité associée’’.
Ils étaient connus
pour la même valeur qu’ils accordaient à l’homme comme à la femme, en tant
qu’expressions du Dieu et de la Déesse. Ils voyaient la division des sexes
comme une corrélation de la polarité primaire qui est à la base de la vie. Une
dualité, qui, devenue Unité, comme dans l’acte physique d’amour, apporte la
félicité de l’union mystique qu’ils appelaient ‘‘Gnose’’.
Notes de traduction :
1 Le mythe de Jésus est une création très complexe. L’une des sources –
très souvent occultée – et mentionnée plus bas dans le texte, est égyptienne. A
ce sujet, Jacques Grimault ne mâche pas ses mots lorsqu’il déclare dans son
entretien à MetaTV : « …Le christianisme prend ses sources en
Egypte et pas ailleurs. Quand on dit judéo-christianisme c’est de la foutaise… »
2 Paru en 2008 en français
Quelques liens utiles en
français pour en apprendre plus:
Sur le livre Jésus et la Déesse Égarée :
Sur l’auteur Timothy Freke :
sur Épiphane de Salamine :
sur Clément d’Alexandrie :
sur la Première Épître de Paul aux Corinthiens :
sur la Genèse :
sur le Livre de Jérémie :
sur le Livre d’Ézéchiel :
sur le Livre des Proverbes :
sur Aphrodite :
sur Hélène :
sur Éros :
sur Psyché :
sur Déméter :
sur Perséphone :
sur le rapport entre Isis, Déméter et Perséphone :
sur les Mystères d’Eleusis :
sur Porphyre :
sur la Sagesse de Salomon
sur Anat mère des Dieux :
sur Yahvé et Ashérah :
sur la Déesse Ashérah :
sur les Trinités indo-européennes
sur la Sophia de Jésus fils de Sirach :
Si vous voulez en savoir encore davantage sur le sujet, je ne saurais trop
vous recommander de faire vos propres recherches dans toutes les langues que
vous connaissez !
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