Samedi 17 janvier 2015
Vu
d'Afrique, l' "affaire Charlie hebdo"
illustre les limites de l'universalisme européo-centré. Vendredi 16 janvier,
alors que les sociétés de l'hémisphère nord communiaient dans le culte de la
liberté d'expression, une partie de l'Afrique s' insurgeait contre la France
des "Charlie". Du Sénégal à la Mauritanie, du Mali au Niger, de
l'Algérie à la Tunisie et au Soudan, le drapeau français a été brûlé, des
bâtiments français incendiés et en "prime", des églises détruites.
Quant aux imprudents chefs d'Etat africains qui participèrent à la marche des
"Charlie", dont Ibrahim Boubacar Keita du Mali, les voilà désormais
désignés ennemis de l'islam.
Aveuglés
par la légitime émotion et noyés sous l'immédiateté, nos responsables
politiques n'ont pas songé à se demander comment l'Afrique percevait les
événements. Or, alors que pour nous, il s'agit d'un ignoble attentat contre la
liberté d'expression commis contre des journalistes, personnes sacrées dans nos
sociétés de la communication, pour une grande partie de l'Afrique, il s'agit
tout au contraire de la "juste punition de blasphémateurs". Qui
plus est ces derniers n'en étaient pas à leur coup d'essai et ils avaient même
été solennellement mis en garde. Voilà pourquoi leurs assassins sont considérés
comme des "héros". Quant aux foules de "Charlie", elles
sont vues comme complices des insultes faites au Prophète. De plus, comme le
président de la République a marché à leur tête, cela signifie que la France et
les Français sont coupables.
Les
conséquences géopolitiques qui vont découler de cette situation ne peuvent
encore être mesurées, notamment dans les pays du Sahel en raison du jihadisme
récurrent contre lequel nos troupes sont engagées. Le plus grave est ce qui
s'est passé au Niger où Boko Haram qui, jusqu'à présent ne
s'était pas manifesté, a pris le prétexte de la nouvelle livraison de Charlie Hebdo pour lancer les foules
contre le centre culturel français de Zinder; au même moment, nos postes
militaires avancés veillent aux frontières du pays...
Personne
n'a dit ou vu que l' "affaire Charlie Hebdo" n'est que la goutte
d'eau qui a fait déborder le vase des impératifs politiques et moraux que nous
imposons à l'Afrique: démocratie, droits de l'homme, avortement, mariage
homosexuel, anthropomorphisme etc. Tous y sont considérés avec dédain ou même
comme de "diaboliques déviances".
C'est
donc dans les larmes et dans le sang que les bonnes âmes et les idéologues vont
devoir constater que le "village Terre" n'existait que dans leurs
fantasmes universalistes. Ce qui est bon ou juste aux yeux de leur branchitude
est en effet une abomination pour une grande partie de l'Afrique et même de la
planète.
En
plus de cela, pour nombre d'Africains, l'Europe est devenue une terre à prendre
: ses habitants ne croient plus en Dieu, ses femmes à la vertu volage ne font
plus d'enfants, les homosexuels s'y marient et la féminisation y a dévirilisé
ses mâles. Paradoxe cruel, ceux qui, depuis des décennies, ont permis cette
révolution en tournant systématiquement en dérision les valeurs fondatrices et
le socle social (famille, travail, discipline, ordre, effort, armée, police
etc.) ont été odieusement assassinés par les enfants de ceux auxquels ils ont
si largement ouvert les portes...
Nous
voilà donc au terme du processus. Désormais, la contradiction est telle que
seul un "saut qualitatif brusque", comme le disaient les marxistes,
permettrait de la surmonter. L'obsolète méthode "soustellienne" de
l'intégration ou celle du "radeau de la Méduse" de la laïcité n'y
suffiront sans doute pas...
Bernard Lugan
17/01/2015
Bernard Lugan
17/01/2015
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